Portrait de Xavier Christin, lunetier, meilleur ouvrier de France en 1997

« Si on a une passion, il faut la vivre à fond !»

ContactTout a commencé par un appareil photo et un microscope, offerts à l’occasion d’une communion. Une sorte de coup de foudre pour ce passionné par l’optique depuis l’âge de 12 ans. Après une formation en micro-mécanique option optique au lycée, couronnée par un bac F10 (à l’époque), Xavier Christin passe un BTS d’opticien lunetier. « En terminale, j’étais capable de faire de A à Z des jumelles, raconte-t-il. Le BTS m’a appris l’achat du verre chez l’opticien, la lunette chez le lunetier, et l’assemblage qui me revenait ».

Né en 1957, ce lunetier de génie exerce son art depuis maintenant 33 ans, après en avoir appris, entre études et expériences professionnelles, toutes les facettes. « Au cours de ma formation, j’ai été amené à fabriquer des lentilles de contact. J’ai produit des verres spécifiques pour les gens opérés de cataracte. Surtout, collectionneur de lunettes depuis l’enfance, j’ai pu enfin, un jour, me mettre à les restaurer ».

En tant qu’opticien, Xavier Christin est salarié et s’occupe de « monsieur tout le monde qui a une grosse tête ou un gros nez et ne trouve pas de lunettes à sa taille », fait des consultation « pour les enfants allergiques à certaines matières » et satisfait aux exigences de « ces dames qui veulent des lunettes uniques, avec leurs initiales, ou des artistes qui veulent une pièce exceptionnelle ». La base est la solution technique pour répondre au désir du client (un coloris qui n’existe pas, etc).

En un temps voué à la personnalisation, le meilleur ouvrier de France (MOF) 1997 veut se distinguer du commerce qui se résume à un prix « dans époque troublée où l’on sort des grandes chaines qui fixent des prix inatteignable ». Car le prix de base d’une lunette sur mesure, rappelle-t-il, avec matériau et découpe simple, est celui d’une belle lunette Dior.

Pour transmettre sa passion, Xavier Christin a participé, il y a un an et demi, à la création d’une école de formation dans le Jura pour accompagner les gens au concours de meilleur ouvrier de France. Pour « transmettre notre savoir, notre métier, mais pas en quantité, juste en qualité, avec en moyennun formateur pour trois stagiaires », dit-il : une sorte de compagnonage sans le mot.

Sur son métier lui-même, la polyvalence est de règle, avec la nécessité d’apprendre à faire des dessins réalisables, à se servir des outils (manuels comme informatiques), à travailler le métal et l’acétate de cellulose, travaillée en feuille, comme le ferait un menuisier de précision pour le plastique. Tout cela avec une grande part de création car, explique Xavier Christin : pour faire la même chose qu’il y a 50 ans, ce n’est pas la peine.

Le lunetier, qui a choisi de se spécialiser sur le travail du bois (rappelant que les premières lunettes, en tilleul, remontent aux alentours de 1293) travaille également la corne de buffle, de zébu ou de vache.  « Nous excluons toute travail de l’écaille de tortue et de l’ivoire, protégés par la convention de Washington de 1983 ».

Et lorsqu’on lui demande quel conseil il donnerait à un jeune qui souhaiterait se lancer dans le métier, il répond en citant Stendhal : « le plus grand bonheur est d’avoir pour métier sa passion ». Et d’ajouter, sans l’ombre d’une hésitation dans la voix : « s’il a une passion, il doit la vivre à fond. Il faut aller au bout de sa douce folie. Ne pas compter son temps, et si la télé importune, la mettre chez le voisin ». Et de préciser : « gagner le concours MOF  m’a pris autour de 1000 heures de disponibilités ». Une paille !

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